Dekomia's Day

Dekomiaque…

         La chambre était sale, poussiéreuse, les rideaux en partie lacérés bougeaient légèrement à cause du vent frais qui se frayaient un chemin au travers de la vitre fissurée, soulevant par la même occasion une forte odeur de moisissure.
    La pièce était dans un état misérable, délabrée.
    Sous une couverture miteuse une longue chevelure blonde dépassait, allongée sur un matelas déchiré qui était à même le sol. La silhouette se tourna vers la fenêtre et ses grands yeux marron virent que la nuit était déjà tombée.
    C’était donc l’heure.
    La jeune fille repoussa la couverture pour se relever. Elle était vêtue d’un haut rouge qui se terminait en jupe et elle avait une petite ceinture à la taille avec quelques petites sacoches accrochées dessus. Des collants noirs recouvraient ses longues jambes minces tandis que de grosses rangers sombres protégeaient ses pieds.
    Lorsqu’elle sentit le froid qui avait envahi la chambre elle resserra aussitôt sur elle sa veste en cuir noir, qu’elle avait également gardé pour dormir.
    Une fois debout elle s’avança vers la fenêtre et scruta l’extérieur au travers des rideaux en lambeaux. La vue donnait sur une rue déserte plongée dans l’obscurité, seul un lampadaire fonctionnait encore et sa lumière tressautait. Des voitures se trouvaient en tous sens et certaines mêmes semblaient s’être percutées. La rue elle-même était à l’image de la chambre où se trouvait la jeune fille, sale, des détritus et divers débris jonchaient le sol un peu partout, on aurait presque pu penser qu’une violente bataille avait éclatée ici-même.
    Près de vingt minutes s’écoulèrent ainsi, où la jeune fille resta à observer à la fenêtre, serrant ses bras autour d’elle, à l’affut du moindre bruit, du moindre mouvement qui la ferait rester cacher une journée de plus dans cette chambre.
    Mais rien ne se passa. Un calme mortel régnait.
    Prenant une grande inspiration, elle tourna finalement le dos à la fenêtre et toujours aussi silencieusement, elle prit la batte de baseball en fer qui se trouvait près du matelas, puis sortit.
    Une fois dehors son corps se mit à trembler, elle tentait visiblement de se contrôler mais elle en fut totalement incapable. Il faisait assez froid, de la fumée sortait de sa bouche à chaque respiration, mais ce n’était pas la cause de ses tremblements. Une peur, viscérale, lui nouait le ventre, l’empêchant de faire un pas de plus. Elle finit par fermer les yeux en prenant une longue inspiration afin de se calmer.

- Tu peux y arriver Dekomia, tu peux y arriver… se répétait-elle. C’est plus facile la nuit, tu le sais.

    Dekomia raffermit sa prise sur sa batte et s’avança dans la rue. Elle adopta aussitôt une marche silencieuse, évitant tout ce qui se trouvait à terre, ne faisant ainsi pas le moindre bruit. Lorsqu’elle arrivait au détour d’une rue, elle armait sa batte avec ses deux mains et inspecta l’angle avec le plus de discrétion possible afin de vérifier qu’il n’y avait rien, mais surtout personne. Depuis maintenant plusieurs semaines elle vivait ainsi, et cela l’avait sauvé à plusieurs reprises. Elle était à présent d’une prudence extrême.
    Après avoir dépassé cinq rues sans le moindre souci, elle put distinguer par-dessus une maison le toit d’un immense centre commerciale. Il ne devait se trouver qu’à deux ou trois pâtés de maison de maison tout au plus. Un sourire de soulagement s’afficha sur son visage. C’était son objectif depuis plusieurs jours et enfin elle le voyait, elle ne se savait même pas aussi proche. Elle pouvait y être d’ici une bonne dizaine de minutes.
    Gonflée d’une confiance nouvelle, elle dépassa un nouvel angle de rue sans y prêter attention, lorsqu’un bruit apparut sur sa droite. Un étrange bruit de succion suivit de celui caractéristique à une mâchoire qui broie de la viande.
    La jeune Dekomia devint liquide lorsqu’elle tourna lentement la tête en direction du bruit. Une personne était agenouillée, de dos, auprès du corps d’un homme. Bien qu’elle ne voyait pas grand-chose, elle put aisément constater que la personne à terre était morte.
    Portant sa main libre à la bouche, elle se mit à reculer à reculer lentement, cependant, la malchance semblait s’acharner sur elle autant que sa vigilance diminuait. Sans qu’elle ne le fasse exprès, sa batte heurta un petit lampadaire sur sa droite. Le bruit métallique résonna dans toutes les rues autour d’elle, la faisant par la même occasion sursauter.
    La créature devant elle se retourna vivement pour lui faire face, posant ses yeux vitreux sur elle. La partie gauche de sa mâchoire était dépourvu de peau, et ce qu’il en restait semblait en décomposition. Un morceau de viande sanguinolente pendait à sa bouche, qu’il lâcha aussitôt en se relevant d’un bond tout en poussant de puissants grognements.

- Oh non… pensa-t-elle.

    Dekomia recula encore de quelques pas alors que le mort-vivant se précipitait vers elle, mâchoire grande ouverte. Son visage se durcit d’un coup, elle attrapa fermement la base de la batte avec ses deux mains, l’arma dans son dos et lorsqu’il se trouva à portée elle frappa sa tête de toutes ses forces. Le crâne, fragilisé par la décomposition et le pourrissement, vola en éclat tout en éclaboussant de sang le sol, puis le corps à présent décapité tomba à terre dans un bruit flasque.
    Le regard de Dekomia avait changé, on y lisait toujours de la peur mais un sérieux et une détermination de fer s’y mélangeaient à présent.
    La jeune fille se reprit aussitôt, il y avait eu trop de bruit, d’autres zombies arrivaient déjà par dizaine. Sans même prendre le temps de nettoyer sa batte, recouverte de sang et morceaux de cervelle, elle se mit immédiatement à courir à pleine jambes en direction du centre commerciale.
    Au détour d’une nouvelle rue une douzaine de monstres lui barrèrent le chemin, la regardant avec envie. Sans perdre une seule seconde Dekomia se précipita dans la ruelle voisine, qui hélas n’était pas déserte. Portée par l’adrénaline elle frappa les deux premiers, l’un à la tête et l’autre au thorax, afin de se dégager le chemin. La peur lui procura de nouveaux réflexes et une force nouvelle. Un zombi surgit de l’ombre, manquant de peur de lui mordre le bras, d’un geste rapide elle recula et lui frappa le ventre du dessus de la batte afin de le plier en deux, puis remonta d’un violent coup à la tête tout en lui arrachant la moitié du crâne.
    Deux autres arrivèrent devant elle tandis que trois la rattrapaient derrière. Elle regarda vivement autour d’elle pour voir une échelle de secours qui menait au premier étage de l’immeuble. Elle s’y précipita dans l’instant, montant plus vite que jamais et retira l’échelle juste derrière elle.
    Dekomia souffla un grand coup, se sentant à nouveau en sécurité, alors que la demi-douzaine de zombies tentait de l’agripper de leurs doigts gris et griffus.
    Après avoir repris son souffle Dekomia entra par la fenêtre qui était déjà brisée et s’engouffra dans l’appartement. Cette fois-ci elle ne cherchait pas un coin pour dormir mais une autre sortie, elle se savait près du but, elle ne pouvait donc plus attendre.
    Plusieurs zombies hantaient l’appartement, ils n’avaient cependant pas l’air d’avoir été attirés par le bruit. Reprenant son attitude silencieuse, elle traversa sans problème l’appartement mais aussi tout l’étage, en passant par les couloirs, pour arriver dans la résidence totalement à l’opposée. Cette dernière, totalement inhabitée, elle atteignit donc l’échelle de secours sans le moindre problème. Après avoir scruté la ruelle sur laquelle l’échelle donnait, elle la fit descendre doucement en essayant d’atténuer au maximum les grincements.
    Au moment de descendre, un nouveau grognement surgit dans son dos, plus féroce et plus dangereux, grognement qu’elle connaissait que trop bien.
    Dekomia devint livide.
    Elle se retourna avec sa batte mais une ombre encapuchonnée surgit de l’appartement en hurlant, se jetant d’un bond sur elle. La jeune fille parvint à le repousser, cependant elle se retrouva déséquilibrée par le choc et son poids l’emporta par-dessus la rambarde, tombant lourdement au sol.
    La batte roula plus loin dans un bruit métallique alors que Dekomia essayait de se relever. La chute n’avait été que de deux mètres environ, mais son dos la faisait atrocement souffrir tant elle s’était mal réceptionnée.
    Le grognement du Hunter lui rappela l’urgence de la situation. Ce dernier lui sauta à nouveau dessus, depuis le premier étage, alors qu’elle roula sur elle-même. A peine à terre, le monstre bondit contre un mur, puis un autre avant de disparaître de la sa vue.
    Il jouait avec sa proie.
    Dekomia regarda sa batte, hors de portée, se leva d’un bond pour l’atteindre, mais le Hunter se jeta sur son dos dans un nouvel hurlement pour la remettre à terre, puis la tourner vers lui.
    Dekomia se retrouva paniquée alors que le monstre utilisait ses griffes pour la déchiqueté. Elle se débattait, hurlait, tentait de le repousser, mais il semblait très largement plus fort qu’elle, n’arrivant pas à se défendre. Une griffure lui barra la joue droite tandis qu’une autre apparut au-dessus de son œil gauche. Ses vêtements subirent également quelques lacérations alors qu’elle venait de réussir à remonter ses genoux entre elle et lui. Dans un effort sous la terreur, elle déplia ses jambes d’un coup sec et repoussa violemment le Hunter contre une grosse poubelle. Aussitôt elle se releva et attrapa sa batte à pleine mains. Le zombie spécial sauta une nouvelle fois vers lui, mais reçu un coup en pleine poitrine. Le monstre encapuchonné tourna deux fois sur lui-même avant d’atterrir face contre terre. Dekomia se précipita vers lui, alors qu’il commençait déjà à se relever, et abattit sa batte sur son crâne. Le sang gicla en avant depuis le dessous de sa capuche alors que le corps était pris de quelques spasmes.
    Dekomia recula de quelques pas, essoufflée, mais sortit rapidement de la ruelle. Il y avait eu à nouveau beaucoup de bruit et elle ne tenait pas à savoir combien l’avait entendu.
    Elle courut le long de quelques maisons, et finit par voir l’immense centre commercial devant elle, sur la rue en face. Un sourire de soulagement s’afficha sur son visage, malgré ses blessures, puis elle se dirigea vers lui d’un pas décidé, ayant enfin atteint son but.